Discipline récente, basée sur le football et pratiquée sur une table incurvée, le teqball compte de plus en plus d’adeptes au pays de Sadio Mané.En ce début de janvier, le ciel est souvent maussade à Dakar. Le froid a fini de s’installer. La banlieue de la capitale sénégalaise est enveloppée d’une couche de nuages qui ne laissent pas passer la lumière du soleil. Pour Mame Cheikh Fam et Souleymane Diagne, il est alors difficile de transpirer abondamment. Dans la grande cour d’une demeure inhabitée, ils se livrent pourtant à une partie de teqball en se renvoyant un ballon aux couleurs blanche et orange au sortir de gestes techniques. Nous sommes à Sam Notaire, à Guédiawaye, au fief de Jappo Teqball Club. « C’était une maison abandonnée. Après avoir obtenu l’autorisation du propriétaire, nous avons nettoyé et aménagé la cour. On s’y entraîne depuis 2019 du lundi au vendredi de 17 à 19 heures. On se repose uniquement le week-end. Quand on arrive, on s’échauffe, on effectue des exercices physiques puis on pratique le teqball », explique M. Fam, numéro un de la discipline au Sénégal. Le teqball, du foot sur table, est à la mode. Il a été créé en Hongrie en 2012 par Gábor Borsányi, ancien joueur de football professionnel, et Viktor Huszár, informaticien. C’est aussi un loisir pour nombre de stars du ballon rond en activité ou à la retraite à l’instar du Brésilien Ronaldinho. « Il se joue sur différentes surfaces comme le sable, l’acrylique ou en intérieur à deux joueurs (simple) ou à quatre (double), indépendamment du sexe », précise sur son site la Fédération internationale de teqball (Fiteq). « J’étais un joueur de football. J’ai porté les couleurs du Jaraaf de Dakar en cadets et juniors. J’ai évolué dans les navétanes (championnat de quartiers) avec l’Association Sportive et Culturelle Jappo Sam. En novembre 2019, j’ai découvert le teqball à la plage Malibu de Guédiawaye où il y avait un tournoi. Je m’étais inscrit avec un ami et nous l’avons remporté », se souvient Mame Cheikh, âgé de 19 ans. Depuis lors, il s’est pris de passion pour ce sport qui, associé à « quelques business », lui permet de « subvenir à (ses) besoins ». Cet athlète « ayant arrêté les études en classe de Terminale à cause du football » compte à son palmarès trois titres de champion du Sénégal en 2019, 2020 et 2021 (single, double et double mixte). « J’ai aussi participé à deux Championnats du monde. Du 8 au 11 décembre 2021, en Pologne, j’ai signé trois victoires en autant de matchs en phase de groupes. Malheureusement, j’ai été éliminé en huitièmes de finale. En Allemagne, du 23 au 27 novembre 2022, j’ai franchi le premier tour avec deux succès et une défaite. Par la suite, je suis sorti vainqueur de mon seizième de finale. Mais je suis tombé en huitièmes », détaille-t-il. Deux échecs que le droitier justifie par le manque de compétition : « Je ne prends part qu’aux championnats du Sénégal et du monde. Par contre, les joueurs occidentaux jouent régulièrement. Chaque mois, une ville accueille un tour. Ils augmentent ainsi leurs points pour progresser dans le classement mondial. Le fait de ne pas pouvoir y être, faute de visa ou de prise en charge, me pénalise. Face aux meilleurs du monde, j’ai beau me surpasser, leur forme physique et leur expérience font toujours la différence ». Le dernier classement mondial de la Fiteq, dominé par le Roumain Apor Gyorgydeak (75.654 points cumulés en 20 évènements), place Mame Cheikh Fam à la 16ème place avec 6608 points récoltés en 4 compétitions seulement. Le Sénégalais est le deuxième Africain dans ce ranking derrière le Tunisien Yassine Sahli, 11ème mondial avec 13.962 points pris en 15 tournois. « Mon souhait est de vivre en Europe. En restant ici, ce sera difficile de participer à toutes ces compétitions. L’année passée, l’ASPTT Mulhouse, un club français, a voulu s’attacher mes services. Hélas, je n’avais pas obtenu un visa », fait remarquer le porte-drapeau du Sénégal. Voyager, la croix et la bannière Les conditions pour se rendre légalement en Occident sont très strictes de nos jours avec de nouvelles politiques d’octroi de visas. « Je suis maintenant un arbitre international de teqball. En 2020, j’ai subi une formation théorique et pratique sur la plateforme de la Fiteq. Après, j’ai réussi à un examen qui donne droit à un certificat. J’ai été invité pour officier au Championnat du monde en 2021, en Pologne. N’ayant pas eu de visa, je n’ai pas pu y aller », indique Souleymane Diagne, 29 ans, qui souhaite montrer son savoir-faire sur la scène internationale. « Afin de disposer d’un visa, il faut que le ministre des Sports écrive à son collègue des Affaires étrangères, qui à son tour contacte l’ambassade concernée. Des visas olympiques de 4 ans pour les athlètes sénégalais de haut niveau et les membres des délégations constantes auraient résolu le problème. Sans cela, c’est impossible de planifier quoi que ce soit », déclare Modou Guèye Seck, le Chargé de développement de l’Association sénégalaise de teqball (Asteq). En outre, il pointe le statut dont jouit ce sport au plan local : « Le 14 janvier 2021, Matar Ba, l’ancien ministre des Sports, nous avait écrit une lettre pour nous féliciter et nous dire qu’il a donné des directives pour qu’un Comité national de promotion du teqball soit mis en place. Ça fait deux ans qu’on attend. Nous avons saisi le nouveau ministre des Sports, Yankhoba Diatara. On aimerait le rencontrer pour lui demander de matérialiser l’engagement de son prédécesseur. À cet effet, nous lui avons adressé un courrier jusque-là resté sans réponse ». « Un Comité national de promotion, poursuit M. Seck, c’est en quelque sorte une fédération. Mais c’est le ministre de tutelle qui choisit les dirigeants. Il n’y a pas d’élections. Avec ce statut, le teqball sénégalais sera pris en compte dans la planification budgétaire du département des Sports. En attendant, nous essayons de supporter tous les frais pour les compétitions (billets d’avion, hébergement, restauration…) ». Si ces difficultés sont dépassées, « on peut vivre du teqball. Tout dépend du niveau de performance. Dans une compétition internationale, de l’argent est distribué aux joueurs en fonction de leurs résultats. Une prime est prévue pour chaque tour. Il y a aussi le sponsoring », souligne Mame Cheikh Fam, non sans parler de quelques spécificités de ce sport qui gagne du terrain dans le monde. « Le teqball, affirme-t-il, allie technicité et physique. Il faut être agile avec le ballon et savoir bien se déplacer. Les matchs sont constitués de sets à 12 points remportés par le premier joueur qui atteint ce total. La partie est pliée si l’un des adversaires domine les deux premiers sets. En cas d’égalité, un troisième set les départage. Un maximum de trois touches est permis avant de renvoyer le ballon. Il est interdit de toucher la balle ou de la renvoyer avec la même partie du corps deux fois de suite. C’était difficile au début, mais j’ai assimilé le règlement et fait d’énormes progrès dans le jeu. Je veux qu’on m’aide pour représenter dignement le Sénégal à l’international ». « Il y a deux arbitres dans le teqball : le principal et l’assistant. Tout principal peut être assistant et vice versa. C’est le chef des arbitres qui assigne à chacun un rôle. Le principal fait face à la table. L’assistant, qui se met de l’autre côté, doit être assis ou debout. Ce dernier, avec un tableau de bord, note l’évolution du score », ajoute pour sa part M. Diagne. Au Sénégal, une dynamique porteuse d’espoir est enclenchée. « Il y a 54 clubs de teqball présents dans 11 régions du pays. On continue à recevoir des demandes d’adhésion. Cependant, il faut des tables adaptées et nous n’en avons plus. Celles reçues de la Fiteq ont toutes été distribuées », fait savoir Modou Guèye Seck. Selon le Chargé de développement du teqball sénégalais, cet engouement découle de « l’organisation de tournois de démonstration lors des matchs de navétanes, à la plage, dans certains lieux publics. C’est comme ça que le teqball a commencé à intéresser beaucoup de monde. Nous voulons qu’il se joue partout au Sénégal à travers les Associations Sportives et Culturelles, et les clubs affiliés à la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) ». Le plan stratégique de l’Asteq, couvrant la période 2022-2026, repose sur trois piliers : le développement du teqball scolaire, du teqball féminin et du para-teqball avec l’inclusion des personnes à mobilité réduite.
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