Le patrimoine culturel camerounais malgré sa diversité est parmi les domaines les plus en dépression, sous le long règne du président Biya.
Au pays de Paul Biya, les efforts pour la conservation et mise en valeur des richesses culturelles sont quasi-inexistants. La culture est sûrement l’un des domaines les plus vastes du Cameroun. Avec ses 280 ethnies, ses 10 régions et ses 309 langues, «l’Afrique en miniature» regorge une richesse inestimable sur le plan culturel. Le Cameroun est d’ailleurs classé 7ème à l’échelle mondiale et 2ème en Afrique, comme «mégadiversité linguistique».
Le positionnement géographique du Cameroun constitue également une véritable mine d’or : 42ème plus grande superficie du monde, 590 km de côtes et traversé par de nombreux fleuves. Sans compter que c’est aussi le grenier d’Afrique centrale. Ce paysage élogieux fait pourtant grise mine, après les 40 ans d’accession au pouvoir du président Paul Biya. Le patrimoine culturel est simplement resté en berne.
Le patrimoine matériel et immatériel du Cameroun n’arrive pas à s’ériger à l’international comme le veut la convention de l’UNESCO sur la protection du patrimoine mondial. Une très grande partie des biens culturels du pays n’est donc pas à ce jour inscrite parmi les biens culturels mondiaux, devant être protégés. Cette protection offre pourtant aux pays qui arrivent à l’acquérir, entre autres, des avantages pour booster le tourisme et l’économie sur leur territoire.
L’UNESCO de son côté prend en compte les biens culturels uniquement si le pays hôte arrive déjà à identifier les sites potentiels, ainsi qu’à garantir la protection et la préservation de ces biens.
Mais au Cameroun, aucun inventaire officiel et complet n’a été fait jusqu’à ce jour. Simplement, le Cameroun n’a pas mené d’action nationale pour mettre en avant sa culture. Les sites naturels et culturels, les traditions et expressions orales, les arts de la scène, les pratiques sociales, rituels et événements festifs sont laissés à la dérision.
Cette absence de politique culturelle se reflète en amont par le budget même du ministère des arts et de la culture qui est connu comme étant le plus petit portefeuille ministériel au Cameroun. Pour l’exercice 2017, il était fixé à 3.813.000.000 F cfa. Or, en mars 2022, ce ministère avait suscité l’indignation des Camerounais avec un appel d’offre national pour l’acquisition de dix véhicules 4×4 double cabine; le tout pour une valeur de 300.000.000 FCFA. Une enveloppe qui diminue encore plus le budget déjà moindre du Minac.
02 réalisations en 40 ans
A ce jour, le Cameroun ne possède que deux biens culturels inscrits à l’échelle internationale. La réserve du Dja, composé de vastes forêts humides s’est vu inscrire au patrimoine mondial en 1987. 90 % de sa superficie étaient considérés intacts et la pression humaine y était faible.
La trinational de la Sangha est également un site naturel qui fait partie des biens culturels inscrits à l’UNESCO depuis 2012. Cet espace est partagé entre le Cameroun, le Congo et la République centrafricaine. Il comprend trois parcs nationaux contigus couvrant une superficie totale de 746’309 hectares définie par la loi. Il s’agit du Parc national de Lobéké au Cameroun, du Parc national de Nouabalé-Ndoki en République du Congo et du Parc national de Dzanga-Ndoki en République centrafricaine.
Mais à ce jour, les sites sont menacés par plusieurs fléaux qui entravent leur bon fonctionnement ; la chasse, des activités illégales, l’exploitation minière et forestière, etc.
Le sursaut d’éveil
On peut situer à environ 05 ans, le réveil du ministère des Arts et de la culture envers le patrimoine. Le ministre chargé de la culture de l’époque, Narcisse Mouelle Kombi ouvre plusieurs chantiers. La principale action réalisée par le ministère est la rentrée culturelle et artistique nationale (Recan). Une activité a pris un gros coup de frein à cause du COVID-19. Les dossiers d’inscription du paysage culturel de Diy-Gid-Biy et du Port d’esclaves de Bimbia et ses sites associés ont été proposés sur la liste du patrimoine mondial en 2021, lors d’un colloque virtuel entre l’actuel ministre de la culture, Pierre Ismael Bidoung Mkpatt et l’Organisation du Monde islamique pour l’Education, les Sciences et la culture (Icesco).
Un musée virtuel visant à mettre le public au cœur de la démarche à travers des supports didactiques et des décors contextuels permettant ainsi de s’immerger au cœur des cultures camerounaises est développé par le Centre d’Application et de Promotion du Tourisme. Le musée national situé à Yaoundé, qui est un point focal culturel au Cameroun est en rénovation depuis 03 ans, un projet financé par l’Agence Française de Développement à hauteur d’un million d’Euros.
On peut aussi compter l’effort du feu Sultan Ibrahim Mbombo Njoya qui avait constitué un dossier pour inscrire le Nguon comme patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO. Mais en décembre 2021, le dossier du festival du « Nguon » du peuple Bamoun en attente à l’UNESCO pour se faire enregistrer et analyser comme patrimoine culturel immatériel, a été retiré de la course. Selon une source du ministère des Arts et de la culture à Jeune Afrique, ce dossier n’avait pas été traité par des experts.
Le nouveau Sultan des Bamouns, Nabil Njoya, a relancé la procédure en coordination avec le ministère des Arts et de la Culture. Les chefs Sawa du Littoral ont aussi, depuis juin 2021, introduit un dossier pour la sauvegarde du Ngondo au sein de l’instance onusienne. Pour le reste, il s’agit souvent de nombreuses actions privées d’inventaire ou de valorisation de certains sites culturels, coutumes et objets d’art camerounais.
Les efforts du gouvernement restent pour l’heure bien minces et très disparates au vu de la grande quantité de sites touristiques et de biens culturels que regorge le Cameroun. L’espoir de faire du Cameroun une grande nation culturelle et détentrice de nombreux biens culturels reconnus dans le monde entier est encore une utopie.
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