Dans la forêt tropicale gabonaise.  Dernière moi, à à peine 7 mètres, apparaît l’un des derniers représentants des grands singes d’Afrique: le gorille des montagnes de l’Ouest.  

Il y’en a 35 000 au Gabon.  Et tout comme Kamaya, ils vivent reclus au plus profond de la forêt, reculant toujours un peu plus face à l’avancée de l’homme et au changement climatique.   Mais, dans ce parc de Loango, sur 155 000 hectares (carte du Gabon montrant Port Gentil), la pression de l’homme est encore faible. Le temps semble arrêté. 

Les animaux vivent en quasi-liberté.  La zone est protégée par une barrière naturelle de fleuves, de lagons, de lagunes, d’Océans, de forêt et de mangroves. 

Nous sommes pourtant seulement à 300 km de Libreville, capitale du Gabon, ce petit pays  de 2,3 millions d’habitants recouvert par la forêt sur 88% de sa superficie et qui mène depuis 2010 une véritable politique de développement vert, le Gabon vert, combinant exploitation responsable du bois, protection de la faune et de la flore.   

Le Gabon est un pays vert. Pour se rendre au parc de Loango, il y a plusieurs étapes.  Les plus téméraires utilisent la route et affrontent deux à trois jours de secousses jusqu’à Port Gentil, épicentre de l’exploitation pétrolière.   De là, il faut faire quatre heures de routes et de pistes s’enfonçant dans la forêt, en passant par le Pont Ozouri, le plus grand pont d’Afrique Centrale, construit grâce à la coopération avec la Chine.

Considéré comme le 3ème pont le plus long d’Afrique (4 700 mètres), le pont d’Ozouri relie la capitale provinciale à Omboué. C’est dans cette zone, 14 février 1956, que fut découvert le premier gisement pétrolier du Gabon par la Société des pétroles de l’Afrique équatoriales française (Spaef). 

Le pont est financé à hauteur de 342 milliards de francs (95%) par la China Exim Bank et à 17 milliards de francs par l’Etat gabonais (5%). La construction de cet édifice qui figure comme le pont le plus long de la sous-région a mobilisé près de 850 agents dont 500 sont gabonais.

La route se poursuit, s’enfonçant dans la forêt. Puis c’est la piste abrupte par endroit. Et partout, la forêt à perte de vue. Le camp de Louri construit en pleine forêt tropicale est un poste avancé de l’homme dans cet habitat de gorilles, de buffles et de panthères. Ce gîte exploité par une filiale du Fonds souverain gabonais des investissements stratégiques (FGIS) est un maillon essentiel du tourisme vert où Eco tourisme, une autre manière d’exploiter la forêt de manière durable. Les touristes aident à la protection de la faune et de la fore et permettent de reconvertir les chasseurs villageois en pisteurs, guides et éco-gardes. Combinant recherche et Eco tourisme, le camp de Louri fait partie des nombreuses aides protégées du Gabon. Le pays en compte 13 qui occupent 11% du territoire national.

En plus de la réserve de Loango, il y a la réserve du mont Cristal, une zone abondamment arrosée à une centaine de kilomètres de Libreville et qui combine une flore dense et des sources d’eau dont l’une d’elle porte le nom de Léon MBA, ancien président du Gabon, il aimait venir ici méditer et faire la connexion avec les ancêtres, au bruit des ruisseaux, à l’ombre des Padouk, reconnaissable à sa sève rouge , la betadine tropicale, des Okoumé et de leurs résiné embaumantes, du bacteria, fameux arbre de l’adultère ou encore du Mamba jaune, arbre anti-paludien, anti-Covid.

L’autre réserve époustouflante de beauté est Pongara par bateau aux alentours de l’estuaire de Libreville. Là aussi, mêmes scènes incroyables d’animaux sauvages en liberté et que les touristes observent depuis des voitures de Safari ou au camp même. 

Tout autour de l’estuaire de Libreville, l’on tombe sur des mangroves culminant entre 40et 60 m de haut. Un record mondial que la science n’arrive pas à expliquer. Les mangroves sont essentiels pour freiner l’avancée de la mer. 

Malheureusement, ce n’est toujours pas évident de les conserver face à l’homme. Ici  à Mongoube au Nord de Libreville, 4 hectares ont été détruits par des pêcheurs majoritairement nigérians. L’Etat a dû user de gros moyens pour déguerpir les squatteurs. Pour le moment, la bataille est gagnée. Reste la décharge de Moundoubé objet d’une convention entre l’Etat gabonais et le français Vaalgo. 

Mais pour bien comprendre la stratégie du Gabon en matière de protection de la biodiversité, il faut se rendre ici .

La Zone économique spéciale de Nkok est l’endroit où le bois gabonais est transformé. Mis en place avec Arise suite à l’interdiction d’exportation de grumes non transformés en 2010, L’endroit couvrant 1 200 hectares fonctionne comme un guichet unique regroupant 23 services administratifs allant de l’immigration à l’inspection du travail et à différents ministères. 90 opérateurs sont répertoriés ici et 21 nationalités. La Zone de Nkok compte un espace résidentiel et un centre de formation  professionnelle d’une capacité de 1 000 étudiants dédié aux métiers les plus demandés.

Les forêts du Gabon sont désormais exploitées aux normes nationales avec un système de rotation qui permet de les reconstituer. Pas plus de 1 à 3 arbres par hectare. Les forêts sont données en concession pour une durée déterminée sur la base d’un plan d’aménagement.  90% du volume de bois exporté c’est l’Okoumé. Le diamètre minimum d’exploitation de cet arbre prisé est de 70 cm selon le code des forêts de 2000.

Là aussi l’exploitation se fait en prenant en compte les communautés et dans le respect du Certificat de gestion durable forêt  (FSM), norme suivie à Nkok. Tout concessionnaire est obligé d’alimenter à 800 FCFA par m3 les projets soumis par les communautés locales . Le combat n’est pas encore totalement gagné. Sur 65 entreprises transformatrices de bois, seules 15 sont certifiées.

Les exploitants sont surveillés de près par satellite et par un système de traçage permettant de connaître l’origine de chaque grume.  Défi scientifique et logistique, la zone économique de Nkok est relié au port d’Owendo distant de 30 km par les barges. 

La Société Nationale de Bois de Gabon (SNPG) fait partie des nombreuses entreprises établies à Nkok. Intervenant dans la chaîne de valeur bois en fabricant du contre plaqué à partir des résidus, cette entreprise qui emploie 200 personnes fabrique jusqu’à 6 500 panneaux par jour. Le bois gabonais est bien valorisé localement . Le show Room Akiba au cœur de la zone donne une idée de la richesse des produits de la forêt gabonaise.

En interdisant l’exportation du bois mon certifié en 2010, le Gabon, rejoint désormais par le Congo, ne savait pas que dix ans plus tard, des milliers d’emplois direct et indirects allaient être créés localement. En 2013, Nkok compte 7 000 emplois directs et 15 000 indirects.

Reste à convertir le fameux dispostif REDD+ , article 5 de l’accord de Paris, en espèces sonnantes et trébuchantes. La déforestation évitée par la politique gabonaise de gestion de la biodiversité a permis de sequester 90 millions de tonnes carbone. De l’argent virtuel suspendu à la volonté des grands pays pollueurs à respecter leurs engagements.
C’était un peu l’un des objectifs du One Forest Forum tenu à Libreville les 1er et 2 mars. Un objectif satisfait en partie avec le lancement d’un fonds de 100 millions d’euros destinés à récompenser les efforts des pays dans la préservation des forêts tropicales. Le Bassin du Congo et le Gabon en particulier a besoin beaucoup plus que des promesses. Et le temps presse.

Financial Afrik